Récit d'une collaboration entre deux traductrices et une équipe de création

Publié le par Les Coulisses de la MAV

Lundi 31 août 2009, Le Grand R, scène nationale de La Roche-sur-Yon
Les Souffrances de Job de Hanokh Levin, traduit de l’hébreu par Jacqueline Carnaud et Laurence Sendrowicz, mise en scène de Laurent Brethome.

Premier jour de répétitions. Laurence Sendrowicz et moi sommes invitées en tant que traductrices des Souffrances de Job, de Hanokh Levin. Dans la belle salle du studio de danse, tables disposées en un grand cercle. La compagnie est présente au grand complet. À une extrémité, Laurent Brethome, le metteur en scène, et tout autour, les comédiens, jeune troupe vibrante, les sens en éveil. Tous ont lu et relu la pièce, beaucoup connaissent aussi d’autres pièces de Levin parmi celles qui sont disponibles en français, quelques-uns ont même déjà joué du Levin sous la direction de Laurent Brethome (Popper en 2008 ; Reine de la salle de bain en 2009). Tous savent quel rôle ils vont jouer dans Les Souffrances de Job, ou plutôt quels rôles au pluriel : ils seront tour à tour mendiants, huissiers, amis de Job, soldats romains, gens du cirque – seul Job ne jouera que Job.

Après de rapides présentations, on entre dans le vif du sujet. Les questions fusent. Quelle place occupe cette pièce, qui leur semble si différente des comédies, dans l’œuvre de Levin ? Comment s’est déroulé le travail de traduction ? Le texte français qu’ils ont entre les mains est-il une traduction ou une adaptation ? Quoi de commun entre l’hébreu biblique et l’hébreu tel qu’on le parle aujourd’hui en Israël ? La pièce a-t-elle été montée en Israël ? Comment a-t-elle été reçue, par la critique, par le public ? Quels rapports cette pièce intitulée Les Souffrances de Job entretient-elle avec le livre biblique intitulé tout simplement Job ? Levin suit-il pas à pas le récit biblique ou s’en écarte-t-il ?

Pour aller y voir de plus près, Laurent, le metteur en scène, propose une lecture à haute voix du Livre de Job en traduction française. La lecture réserve quelques surprises de taille : n’y retrouve-t-on pas déjà un dispositif scénique que la tragédie grecque mettra à profit – la succession des messagers comme moteur de l’action -  et que Levin reprendra à son compte pour signifier la gradation des malheurs de Job ? N’y retrouve-t-on pas aussi les trois amis, Eliphaz, Bildad et Sophar, s’évertuant à justifier devant Job les souffrances du juste ?

La curiosité est si grande, le travail sur le texte si approfondi, que notre intervention, qui devait durer deux ou trois heures, va se prolonger sur deux jours.

La rencontre, passionnante, s’achèvera par une lecture sur table, complète et sans interruption, de la pièce de H. Levin, chacun lisant/jouant déjà son rôle ou plutôt ses rôles. Il n’y aura plus de questions. C’est au tour du texte de Levin de résonner, seul et dans toute sa force, chez tous ceux qui le porteront sur scène.

Paris, le 12 novembre 2009
Jacqueline Carnaud

Edito Correspondance n°46 - Janvier 2010
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